Page:Leo - L Institutrice.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai près de quarante ans ; je suis une vieille fille. Il me va bien d’avoir conservé l’idéal de ma jeunesse. Est-ce que je puis prétendre désormais à de l’amour ? Je ne puis plus faire qu’un mariage de raison, et beaucoup estimeraient encore que c’est une grâce de la destinée.

Cette pensée fit couler ses larmes.

— Oui, reprit-elle ; mais je ne suis pas obligée de me marier, et je ne pourrais pas avec cet homme-là ; non, je ne pourrais pas !

Mais alors toute une part de la vie humaine, celle dont tous les autres (à peu prés tous) autour d’elle vivaient, et que dans le secret de son cœur une voix timide, et à la fois énergique, avait toujours réclamée, cette part serait donc définitivement écartée de sa triste vie ! L’amour, hélas ! oui, sans doute, c’était bien fini ; mais le mariage eût été une garantie contre la solitude et la misère, qui l’épouvantaient pour sa vieillesse, et puis l’homme n’est pas tout, il y a les enfants !… Oh ! un enfant ! Elle ! peut-être avoir un enfant !

De nouveau ses larmes coulèrent avec abondance ; et ce fut dans l’agitation de sentiments confus et contraires qu’elle s’endormit.

Au réveil, en y songeant, elle se trouva un peu confuse d’elle-même.

— Voilà bien du tumulte pour rien, probablement, se dit-elle, une imagination de Mme Maigret.

Elle eut pourtant le désir de voir l’ima-