Page:Leo - L Institutrice.djvu/221

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la veille retrouvé la vive amitié qu’elle avait eue pour cette compagne de ses belles années, et la crainte d’affliger Berthe devait être pour beaucoup dans sa décision. Le lendemain, à l’heure du soleil couchant, elle monta au château. Mme de Néris la reçut dans une petite pièce déjà sombre. Elles s’embrassèrent en pleurant. Quand, après une longue causerie, Mme de Néris alluma elle-même les bougies de la cheminée, Sidonie tira de sa poche le billet reçu le matin, et le lui montrant :

— Voici une allumette, dit-elle.

Et elle le brula.

— Merci, disait Berthe, merci d’avoir accepté. Je vois que tu m’aimes toujours.

Mais, quand, encouragée par cet essai, elle voulut multiplier ses bienfaits, sa ténacité se heurta à d’invincibles refus.

— Non, disait Sidonie, j’ai reçu ton premier don pour ne pas te refuser, et puis parce que peut-être n’ai-je pas le droit de mourir de faim, lorsqu’il m’arrive un secours. Mais je ne puis accepter que le nécessaire.

Ce nécessaire ne s’éleva jamais à plus de 200 fr. par an. Le tricot et les 40 fr. font le reste. Mlle Jacquillat va rarement au château. Quand elle y rencontre les tricornes des curés des environs, la voiture de M. le sous-préfet ou de maints autres notables, elle ne se sent pas humiliée de sa misère.

Cependant la vieille institutrice et son inséparable tricot sont un objet de raillerie