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Page:Leo - L Institutrice.djvu/27

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les famines, ma chère, il ne se trouve plus de gens difficiles. Vous avez vu ce soir tout ce que la contrée possède de jeunes gens, ou soi-disant tels ; car l’un est vieux, l’autre de basse extraction. Or, comme il n’y a pas autre chose, on en est réduit à s’occuper d’eux. Ne faites pas la moue ; vous y viendrez. Nous sommes bien obligées de nous occuper des hommes, puisque nous n’avons pas autre chose à faire et que c’est tout notre avenir. Quand on aura changé ça, si ça se fait jamais, à la bonne heure. Alors, moi, je me ferai militaire, et je damerai le pion à papa en devenant général : Une ! deusse ! troisse ! En avant ! marche !

Devant l’air étonné de Sidonie, les rires de Mlle Favrart devinrent inextinguibles et elle tomba sur une chaise, perdant haleine.

— Est-il possible d’être si folle ! disait la jeune institutrice, le sourire aux lèvres, mais le visage toujours empreint de stupéfaction.

— Voyons, vous ne me trahirez pas, dit Léontine en l’embrassant. Je voudrais bien trouver en vous une bonne camarade, avec qui je pourrais être folle de temps en temps. Ne vous épouvantez pas de moi, je vous prie. Mon père est militaire, ma mère est un cuirassier ; je suis jeune, active, forte, et l’on me tient enfermée dans une chambre, courbée sur une tapisserie et serrée dans un corset. Parfois j’étouffe et je fais craquer les convenances. Mais me voici soulagée, et je puis maintenant descendre et subir Mme Urchin. Tenez, j’entends entrer monsieur le curé, qui était retenu à dîner ailleurs et qui vient achever la soirée chez nous.

— Puisque vous êtes si franche, de-