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manda Sidonie, dites-moi quel homme est le curé de Boisvalliers ?

— Ah ! voyez-vous, elle y prend goût, la petite rusée ! Eh bien, mon enfant, ce curé, c’est, comme vous le dites, un homme, à ce qu’il me semble. Vous verrez comme il vous regardera. Je disais l’autre jour : Il a l’air d’un loup à jeun ! Si je vous répète cela, c’est que maman m’a beaucoup grondée pour l’avoir dit et m’a bien défendu de le répéter ; je ne comprends pas trop bien pourquoi. Et vous ?

— Moi non plus, dit Sidonie, après avoir réfléchi.

— Ce loup s’ennuie beaucoup, je crois, dans sa tanière, et quittera Boisvalliers quand il pourra. Cependant il sort peu, étudie beaucoup et prêche longuement. S’il déblatère contre les pompes du monde et de Satan, il aime extrêmement celles de l’Église, et vous serez de ses amies si vous arrangez l’autel, le dimanche, si vous lui faites des fleurs artificielles et si vous persuadez à vos petites filles de broder des nappes et des chasubles. Il cite du latin avec papa et questionne beaucoup en confession. Voilà tout ce que j’en sais.

Elles descendirent et trouvèrent le curé en conversation avec Mme Jacquillat. Il regarda, en effet, avec beaucoup d’attention Sidonie, mais lui parla peu, et causa surtout avec les hommes. On ouvrit les tables de jeu. Les trois dames et M. le curé firent un boston ; les jeunes gens et les jeunes filles jouèrent à l’oie, jeu plein d’attraits, à en juger par les rires d’Ernest et de Léontine. M. Favrart avait disparu. À dix heures, Mme Urchin leva la séance et chacun s’alla coucher.