Page:Leo - L Institutrice.djvu/30

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tribuèrent au bon ordre de l’école. À notre époque, où les peuples sont encore impressionnés par le luxe qu’ils fournissent à leurs souverains, où la plupart des hommes de renom, de science et d’esprit, briguent encore des crachats et des cordons, on ne s’étonnera pas, j’imagine, que de petites filles à demi sauvages éprouvassent une crainte respectueuse devant la majesté de ces vieux velours, et que sur de tels siéges leurs institutrices eussent pour elles plus de prestige que sur d’humbles chaises de paille. Certains, je le sais, en souriront de pitié. Mais pourquoi ? simplement parce qu’il s’agit de fauteuils vieux et passés de mode. Mais, neufs et sortant de chez Gagelin ?… avez-vous calculé le plus ou moins d’inflexions respectueuses que ces chefs-d’œuvre de tapissier ont mis l’autre jour dans votre bouche, vis-à-vis de leurs possesseurs ? Ce n’est donc là que chose relative. Après la nécessité, vint l’habitude, autre grand agent de résignation humaine. Chez notre espèce, comme chez toutes celles de ce monde, la vie cherche sa voie par les chemins qui lui sont ouverts, et s’écarte bientôt de ceux qui lui sont fermés. La racine qui ne peut plonger s’étend ; la source, quand elle ne trouve plus de pente, monte ; l’homme, quand il ne peut monter, descend. Beaucoup de choses et d’êtres stagnent et languissent, faute d’écoulement et d’action ; et même dans l’ordre humain, ils sont rares ceux qui tendent leurs forces contre l’obstacle, résolus à le détruire ou à périr.

ANDRE LÉO

(À suivre)