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CHAPITRE II

Sur l’émotion et les soucis de cette installation de Mmes Jacquillat à Boisvalliers, l’hiver avait passé. Quelque amère qu’eût été la déception de Mme Jacquillat de n’avoir pas même un petit salon pour recevoir, il avait bien fallu en prendre son parti. La nécessité est un argument qui ne manque jamais son effet. Sidonie avait cédé à sa mère la plus grande des deux petites chambres, et le canapé, grâce à Dieu, y avait pu loger, ainsi que deux fauteuils, la grande glace, la pendule et les vases qui l’accompagnaient, et même restait-il au milieu entre le lit et les autres meubles, une place pour passer, et l’on pouvait ranger là-dedans cinq personnes assises, très rapprochées, il est vrai ; mais ce n’en était que plus commode pour causer. Il n’y eut que la table ronde, dont il fallut de toute nécessité se priver, sous peine de ne meubler la maison que pour les meubles eux-mêmes ; ce qui, sans être tout à fait en désaccord avec l’usage, eût été cependant le pousser trop loin. On dut la déposer, bien enveloppée, sous le hangar, où Mme Jacquillat, en passant, la saluait d’un soupir, toutes les fois qu’elle se rendait au jardin. Un des fauteuils, posé sur l’estrade dans la classe, servit de trône à l’institutrice, et un autre au coin de la cheminée marqua la place de Mme Jacquillat, instituée maîtresse d’ouvrages manuels. Cette cruelle décadence de meubles qui avaient fréquenté la meilleure compagnie de Versailles eut pourtant son utilité ; car ces fauteuils con-