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elle revenait sans cesse à poursuivre de son attention sarcastique les deux seuls jeunes gens du lieu, voire même quelquefois M. le curé.

Pour Sidonie, l’intimité de Léontine lui était précieuse, en ce qu’elle lui fournissait une distraction bien utile, et ce contact de la jeunesse nécessaire aux jeunes ; mais c’était peut-être une distraction plus qu’une joie. Du moins, n’était-elle pas sans mélange. La personnalité de Léontine, si vivante, si pleine d’entrain, souvent très aimable, débordait de tous côtés, étouffant ses voisines, sans y prendre garde. Dans le ménage pauvre de ces deux femmes qui, gardant leur ancienne fierté, rougissaient de leurs privations, elle allait et venait sans cesse, ne respectant rien, surprenant tout. Elle apportait de petits cadeaux et les remettait d’un air bon enfant, mais avec un air de supériorité qui mêlait au plaisir de les recevoir un sentiment d’amertume. Et puis, de temps en temps, quelque réflexion mordante ou quelque mot dédaigneux qui, sans qu’on pût trop s’en fâcher, froissait pourtant l’amour-propre. Plus souvent, il est vrai, des épanchements, des gentillesses, des caresses, qui faisaient tout pardonner. Sidonie, quelquefois secrètement mécontente, s’estimait donc heureuse malgré tout de cette amitié.

ANDRE LÉO

(À suivre)