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donne pas de bonnes manières, elle ne sait pas les rompre à la discipline ; elle ne s’entend pas à mâter cette vivacité, indécente chez de petites filles. » Tels étaient les propos qui se répétaient à Boisvalliers et aux environs. En revanche, on ne reprochait plus à Mlle Jacquillat ses excès de toilette ; son fonds de garde-robe était épuisé, et le besoin d’acheter une robe était devenu de sa part une ambition vaine depuis deux ans.

Sidonie souffrait assurément des gênes incessantes dont sa vie était semée. Cette pénurie qui allait jusqu’à ne pouvoir sucrer les tisanes de sa mère, jusqu’à manquer de souliers, de vêtements, de tout confortable, jusqu’à ne pouvoir secourir d’un sou le pauvre qui passait, lui était un souci constant, une épine dans sa chair, dont tout mouvement lui faisait sentir la piqure. Mais, depuis la déception amère qui l’avait frappée, elle vivait dans un abattement qui la rendait moins sensible à ces ennuis extérieurs. Elle les eût encore moins sentis, si sa mère ne les eût grossis et envenimés par ses plaintes, activés par la comparaison continuelle des anciens jours.

Par suite de la même disposition d’esprit, Sidonie avait à peu près abandonné, vis-à-vis de ses élèves, la lutte âpre qu’elle avait d’abord engagée pour le pouvoir. Elle était devenue tolérante, mais par lassitude plutôt que par volonté, bien moins par conviction que par indifférence. Qu’on la laissât, à ses heures, repliée sur sa tristesse, elle ne demandait rien de plus ; ce que devenaient au dehors ses élèves lui importait peu, et, pensait-elle, ne la regardait pas. Comme auparavant, c’était une tâche qu’elle remplissait ; mais avec l’affaissement géné-