Page:Leo - L Institutrice.djvu/78

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ral qui l’avait saisie, sa seule distraction était son jardin. La nécessité l’avait obligée de ne point l’abandonner et, après l’élan des premières douleurs, elle avait retrouvé le goût de ce travail. Cette féconde nature lui était amie, l’attachait, la consolait. Elle soignait ses fleurs avec tendresse, et — quand elles étaient bien seules ensemble — elle leur confiait ses larmes quelquefois.

N’ayant que l’instruction exigée par le diplôme, elle ne savait pas un mot de botanique, ni de chimie agricole. Un jour, pour une plante qui se mourait, elle demanda un conseil à M. Favrart, qui s’occupait aussi de son jardin, et qu’elle savait expert en ces choses. Jusqu’alors elle n’avait guère échangé que des monosyllabes avec l’ancien capitaine ; leur conversation au sujet de la plante dura plus d’une heure. Et Sidonie fut tout étonnée du monde nouveau de connaissances qu’elle entrevit ce soir-là. Dès lors elle rechercha les conseils et les entretiens de son voisin. Sous ce pantin presque ridicule, dont Mme Favrart et Mme Urchin tiraient les fils, dans ce figurant distrait des représentations de la vie officielle à Boisvalliers, Sidonie découvrit tout à coup un autre homme, un savant modeste, doux rêveur, amoureux d’étude et la cultivant sans bruit, pour elle-même. Le paisible capitaine s’y était réfugié des dégoûts de son métier, l’époux et le père de ses ennuis domestiques. En interrogeant M. Favrart, l’institutrice éblouie vit se dérouler à ses yeux des panoramas splendides. Elle se disait naïvement : « Il sait tout. »

ANDRE LÉO

(À suivre)