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Page:Leo - L Institutrice.djvu/83

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utilement de louvoyer dans cette délicate affaire ; un mot imprudent l’avait rangée parmi ceux que révoltaient les façons impériales du garde champêtre, et ce mot augmenté et augmenté avait été rapporté au maire. Déjà les prétentions bourgeoises de Mme Jacquillat avait irrité l’orgueil de ces paysans parvenus à la richesse ; et, d’autre part, les attentions de leur fils pour Sidonie les avaient inquiétés pendant quelque temps. La riche mère Moreau se moquait volontiers à l’occasion de ces fiertés pauvres ; Mmes Jacquillat le savaient. Une antipathie secrète et une grande froideur extérieure existaient donc entre la maison du maire et celle de l’institutrice. Une autre circonstance avait aggravé ces dispositions.

Le personnel de l’école s’était accru, tant par l’effet naturel d’un accroissement de population que par d’autres causes. On reprochait, il est vrai, à l’institutrice de Boisvalliers le peu de discipline de ses élèves, et les mères elles-mêmes lui recommandaient avec insistance d’employer l’argument suprême de taloches vigoureuses, de temps en temps ; mais on appréciait cependant sa justice et sa patience ; et surtout elle enseignait certains tricots de couleur qui faisaient fureur dans le pays. Cette augmentation du nombre des élèves se traduisait en augmentation de revenu, et les deux femmes calculaient avec bonheur qu’elles allaient jouir enfin d’un peu d’aisance relative. Ce que voyant également le conseil municipal, dans sa session de février, sur la proposition du maire, il abaissa le taux de la rétribution scolaire et augmenta le nombre des gratuits.

C’était son droit légal ; mais quels senti-