Page:Leo - L Institutrice.djvu/86

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sans y penser. Maintenant, ils l’eussent fait exprès, avec plaisir.

Sidonie, en effet, réclama près du recteur et fut soutenue par M. Favrart. Il s’était à peine aperçu, il faut le dire, de la délibération ; mais éclairé, il protesta. Malheureusement, il n’avait aucune influence, n’étant point au fait des petites intrigues du pays, qui lui restaient fort indifférentes. Il ne représentait guère que la grammaire au conseil.

La rétribution scolaire subit la diminution votée : à part une gratification de 20 fr. par laquelle on tempéra cette cruauté. Le conseil municipal eut gain de cause. On sait qu’il faut si peu de chose à une femme pour vivre ! si peu ! si peu ! qu’en retranchant, il en reste toujours assez.

Après tout, ce n’est pas vainement que la femme est pétrie par les poëtes de vapeur et de rosée et qu’on en a fait cette créature idéale, qui tient si peu de place au besoin. Et puis, si l’institutrice de Boisvalliers avait assez de cinq cents et quelques francs, quand l’instituteur en gagnait mille, c’est que l’homme, chef d’une famille, doit pourvoir aux besoins des siens. Mais alors, pourquoi M. Maigret, au lieu d’épouser quelque fille instruite et pauvre comme Sidonie, avait-il choisi une grossière paysanne avec sa dot ? Prétexte menteur ! Mensonge de nos mœurs, qui, fondées sur l’ineptie, aboutissent à l’hypocrisie. Pour un travail égal un prix moindre ! De quel droit ? Afin que la femme soit soutenue par un autre — arrangement arbitraire contre le droit — mais c’est à cause de sa faiblesse qu’elle ne l’était pas.

Au sein de cette épreuve et des réflexions