Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/117

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boudait ; je ne sais quel diable me poussa, pour rompre ce silence pénible, à mettre en cause Mlle Édith. Elle avait, comme tous les matins, un peignoir flottant, à la manière des statues grecques. Je remarquai qu’elle n’était pas habillée, et demandai si elle n’allait point à l’église aussi. La seule réponse que j’obtins d’elle fut un froid regard ; mais alors, d’un ton âpre, Clotilde observa qu’en ceci, de même qu’en tout le reste, Édith se gardait d’agir comme tout le monde.

Un sourire de mépris entr’ouvrit les lèvres d’Édith :

— C’est qu’il est insensé d’agir comme tout le monde, dans les choses graves, dit-elle de sa voix nette et sonore.

— C’est donc. Mademoiselle, par absence de conviction, que vous n’allez pas à l’église, demandai-je.

— C’est, au contraire, par conviction, répondit-elle en dépliant sur moi ses grands yeux noirs, qui me semblèrent en ce moment d’une profondeur extrême.

— Que ce soit pour telle ou telle raison, tu as tort, lui dit son père. L’irréligion ne convient point à une femme, et, ne serait-ce que pour le décorum…

— Je ne me crois au-dessous de rien, répliqua Édith avec une expression magnifique d’orgueil. Surtout de l’irréligion, ajouta-t-elle avec un sourire. Quant au décorum, il ne me paraît pas de nature à régir la conscience.

— Il ne s’agit pas de conscience, reprit le père plus sévèrement ; on croit ce qu’on veut, mais il y a des choses qu’il faut respecter.

— Et que faut-il respecter, mon père ? serait-ce le monstre infâme que vous venez d’exécuter à nos yeux ?

Pris en flagrant délit d’inconséquence, le bonhomme