Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Représente toi, Gilbert — je te raconte cela pour te faire comprendre combien je te dois de reconnaissance — c’était donc hier le bal. L’orchestre, arrivant de tous côtés à grand renfort de voitures, de dîners pris en route, de rafraîchissements copieux, de prétentions exorbitantes, se croisait avec les confiseurs chargés de boîtes, de paniers et de plateaux, tandis que les jardiniers encombraient tout de leurs caisses ; un va-et-vient, un tapage, un tohu bohu, au milieu duquel mon nom retentissait de toutes parts, tandis qu’une foule de réclamations, plus ou moins bizarres, m’accostaient chapeau bas. Je les laissai se réunir autour de moi, et ces paroles, prononcées d’un ton froid et dédaigneux, tombèrent de ma bouche : Messieurs, mon intendant n’est pas ici, je n’ai pas l’habitude de traiter ces choses. Vous ferez demain vos comptes, le plus clairement possible et me les adresserez. Ce soir, j’ai à surveiller l’arrangement de la fête et à m’habiller. Ils se retirèrent à reculons, en saluant jusqu’à terre.

J’ai obtenu avec assez de peine une fort belle illumination, et la décoration de la salle, quoique sans fleurs bien rares, était ma foi délicieuse. On n’entendait qu’exclamations enthousiastes. Je souriais ; mais, comme un héros de drame, je marchais escorté d’un spectre, ce lendemain lugubre qui m’attendait. Par moments, je m’imaginais te voir de ton côté, paradant insoucieux dans quelque bal d’eaux allemandes, et ce tort épouvantable que tu avais de ne point être à Paris me causait contre toi des transports de colère. Jamais je ne t’ai vu des défauts si laids et si nombreux, tandis que tu deve-