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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/18

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nais pour moi quelques heures après un ange sauveur, doué des vertus les plus divines. Ô justice ! ainsi notre pauvre vue passe des verres les plus gros aux plus petits sous le branle de nos passions ! Comment trouves-tu cette phrase ? Ne vaut-elle pas les grandes guides de ta fantaisie ? Que tu es un moraliste magnifique, ô Gilbert ! Je t’ai toujours dit que tu étais né pour pratiquer la sagesse des multitudes, celle qui, assise sur un coffre-fort, tient à la main des pincettes et se couronne d’un bonnet de coton. Suis ta destinée. Je ne l’empêcherai point d’épouser une princesse italienne ou russe, avec des millions. Promets-moi seulement pour dernier asile la maison d’un garde et les chênes de tes forêts.

Sérieusement, où as-tu pris que j’ai besoin de richesse ? Je ne m’en suis guère jamais servi pour moi. J’ai de la fantaisie, c’est vrai ; mais cette fantaisie peut s’exercer sur des objets simples. Je suis las de Paris et de cette folle vie que j’ai voulu voir pour la connaître, exactement comme j’ai visité les musées, les palais et les greniers. Tu sais que je l’ai traversée de même, en spectateur, et qu’elle ne peut avoir d’enivrements pour moi. Ce n’est pas ce que je cherche ; je me sens quelquefois l’âme vide à en mourir, puis l’espérance revient et j’aime encore, — Tes conseils et ceux de Delage sont bons ; mais je ne les suivrai pas — du moins pas tout de suite, je veux rester encore un peu de temps ici. Et cependant, peut-être ferais-je mieux de partir ?

Si vous pouviez arranger mes affaires sans moi, toi et Delage ? Je sais que c’est ennuyeux, mais vous êtes mes amis et comme tels corvéables ; puis, quand je serais,