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Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/215

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cerait bien autrement, si la vanité humaine ne l’enrayait à chaque pas. Moi, je crois que la magie, malgré ses superstitions et ses erreurs, n’est autre que la science des rapports de l’homme avec l’univers, rapports secrets et profonds, plus vastes cent fois qu’on ne le croit généralement.

— Mais cette science primitive, lui dis-je, à la fois plus confuse et plus avancée que la science actuelle, serait donc à votre sens une révélation — ou peut-être une innéité ?

— Voilà le mystère, me répliqua-t-elle en souriant. Qui sait si, avant de s’engager dans le sentier de la science, avant de développer en lui l’être intellectuel, l’homme n’était pas doué d’une plus grande somme de cette intuition, que nous appelons instinct chez les animaux ? Instinct humain, il va sans dire, instinct supérieur jet digne de l’espèce, qu’elle a dû perdre le jour où elle a voulu savoir par elle-même et gagner à la sueur de son front la vérité. Cela expliquerait Ève et Prométhée, et l’histoire de la chute, si fortement empreinte dans les légendes ; car toute tradition a sa raison d’être et sa confuse vérité. Cela expliquerait, en outre, cette sorte d’aurore qui entoure le berceau de l’humanité, et cette masse de vérités acquises et de mythes profonds, en face desquels commence l’histoire.

Nous étions silencieux depuis quelques minutes, quand je m’aperçus qu’Édith m’entraînait dans une direction autre que celle du châtaignier. Je l’est avertis.

— C’est à cause des bœufs, me dit-elle, et je crus remarquer de l’altération dans sa voix et dans ses traits.