Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/246

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elle et de cruauté pour moi. Je ne vous savais pas si dévoué pour ma sœur.

— Mon enfant, lui ai-je dit, j’estime beaucoup Édith parce qu’elle n’a pas de vanité. Je le vois trop à présent, un esprit vain s’allie presque toujours à un cœur vide.

Quelqu’un entrait ; je l’ai quittée et m’en suis allé dehors. Je regrettais de l’avoir blessée par l’arrêt si dur que je venais de prononcer, mais je le sentais juste. Oui, je le reconnais : une femme nourrie de vanités, soumise avant tout à l’usage et à l’opinion, ne peut, à moins d’un miracle de nature, être une femme de cœur. L’amour affirme ; et elle, n’ose penser que d’après les autres ; l’amour est la première des énergies, et elle met son honneur à être soumise et faible ; elle n’est rien par elle-même enfin, puisque l’opinion a tous droits, tout pouvoir sur elle.

Sont-ils donc fous, ceux qui s’imaginent que l’intelligence, autrement dit la lumière, tend à détruire le sentiment ? Lequel des deux croient-ils donc une erreur ? Et d’où leur vient ce système étrange de dualisme, où tout ne serait qu’opposition, contraste et combat, où la vie devient l’œuvre fantastique d’éléments contraires. Athées ! qui ne croient pas à l’unité du vrai.

Que faire ? Comment sortir de cette situation ? Voilà ce que je me demande continuellement, et l’incertitude me rend immobile. Je ne voudrais pas m’en aller d’ici sans avoir abouti à une solution nette en moi-même et vis-à-vis d’eux, et c’est ce qui me retient de jour en jour. Me rendre à Paris pour avancer ma nomination à quelque poste serait une décision et je n’en ai pas.