Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/247

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Je me trouvais dans la plaine, non loin de la hutte du vieux, quand une averse me réveilla de mes tristes rêves, et en regardant où j’étais, j’aperçus Édith qui arrivait en courant. Elle n’avait pour abri que son mouchoir, qu’elle élevait des deux mains au-dessus de sa tête et qui se gonflait auvent, tandis que sa jupe, fouettée par la rapidité de la course, flottait autour de ses pieds. Elle se jeta sur le petit banc de la hutte, près du bonhomme, ravi de la voir, et toute essoufflée appuya sa tête sur le tronc de l’arbre. De la masse de ses cheveux, tordus par derrière, des gouttes d’eau tombaient sur son cou. Elle avait ce même éclat que je lui vis pour la première fois, un autre jour de pluie, en la rencontrant dans les bois. Dans ces moments-là elle n’est plus la même. Au contraire de cette pâleur et de cette immobilité où l’a réduite le contact d’idées hostiles, son contact avec la nature éveille en elle mille grâces, mille vivacités et le plus charmant abandon. J’osai réchauffer dans les miennes ses mains glacées, tandis que nous causions avec le bonhomme. Il nous faisait des questions d’enfant, les plus profondes pourtant qu’on puisse faire, et quelquefois je me taisais, ne sachant que lui répondre, trop ulcéré d’ailleurs pour ne pas douter. Mais Édith répondait toujours, et disait : je crois, du ton dont on dit : cela est certain pour moi. En nous en revenant, je la critiquai, un peu ironiquement, de sa certitude et lui dis que pour moi je cherchais bien souvent en vain le but de la vie, l’utilité dont j’étais, et que plus on s’efforce de sonder la raison d’être de l’univers, et moins on la trouve. Elle attacha sur moi ses yeux profonds :