Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/248

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— Mais, William, vous comprenez le bien et le juste et ils existent pour vous, indépendamment de leur réalisation ?

— Oui, lui dis-je.

— Et tous les désirez avec ardeur, reprit-elle d’un accent qui m’émut d’orgueil, car elle ne questionnait plus, elle affirmait. Je lui serrai la main pour réponse :

— Eh bien ? dit-elle simplement.

Elle avait raison ; le bien et le juste se prouvent à nous suffisamment par le désir et le besoin que nous avons d’eux.

— Sans doute ils existent, dis-je à Édith ; mais nous ne les avons pas.

— C’est peut-être, répondit-elle, que nous avons la volonté de les recevoir plutôt que de les gagner. L’homme, William, est encore sous l’impression des idées de la Genèse ; il accepte le travail comme une punition, au lieu de voir en lui l’instrument de ses conquêtes et la condition de son bonheur. C’est à ce point de vue que les obstacles, si naturels qu’ils soient, l’irritent et le découragent.

— Alors, suivant vous, le but de notre existence ?…

— Est de créer nous-mêmes ce que nous rêvons, répondit-elle avec un tel regard que je faillis plier le genou devant elle, tant que je la trouvai sublime. N’est-ce pas, poursuivit-elle, l’expansion de la vie au plus haut degré, à la fois aimer et vouloir, adorer et créer, agir enfin avec toutes les puissances de l’être. Il y a longtemps que dans le bonheur facile l’homme a trouvé le dégoût.