Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/351

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charrois ; le blé nécessaire à l’ensemencement des quarante hectares m’était fourni par le produit d’une emblavaison, faite l’automne précédent par Leyrot. Nous commençâmes à meubler la ferme, que Leyrot et sa fille vinrent habiter. Elle était belle et commode. Par une innovation que dans ces campagnes, pas même chez les bourgeois, on ne voit nulle part, elle a un second étage qui fait notre logement. Nous aimons à dominer le paysage et à voir au loin. Le bruit de la ferme en outre nous incommode moins, les greniers étant au premier, au lieu d’être sur notre tête.

Tu trouveras notre mobilier modeste ; mais il n’y manque rien de ce qui est vraiment utile et commode. Une simple addition de cinq cents francs aux trois mille francs de la tante Clotilde, qui voulut faire à Édith le même cadeau qu’à Blanche, a suffi pour payer, outre ce mobilier, celui de la ferme. Il est vrai que nous n’avons pas encore de pendule ; mais la montre d’Édith et la mienne vont parfaitement. J’oubliais un grand coucou, entouré de roses, qui de son balancier monotone règle l’heure en bas. N’est-ce pas assez de luxe, et puis-je regretter cette fameuse pendule qui changea si soudainement ma destinée, il y a quatre ans ?

Mais je suis sûr que tu ne t’imagines pas combien j’avais dépensé déjà. La terre, assurément, rend plus qu’on ne lui donne, mais il faut lui donner beaucoup. Pendant ces dix-neuf mois qu’il m’avait fallu acheter du fourrage et de la litière, et nourrir mes domestiques, j’avais, en y comprenant l’achat des bœufs et des charrues, dépensé près de quinze mille francs. La construction de la ferme, le