Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prix du terrain, l’achat du fumier et de la semence ajoutés à cette somme, élevaient mes déboursés à soixante-deux mille francs. J’avais vendu soixante mille francs les diamants de ma mère ; il ne me restait plus de mon avoir personnel qu’une dizaine de mille francs ; car mes études et mes voyages avaient emporté leur part, et sans la dot de ma femme il m’eût été difficile de continuer, à moins de m’endetter, de me ruiner peut-être. Le plus fort était fait cependant ; j’allais récolter. Édith voulut consacrer sa dot à l’achat de quatre-vingt nouveaux hectares attenants à notre ferme, qu’on m’offrait alors ; mais nous ne payâmes que le tiers comptant et le reste nous servit à continuer nos dépenses et à acheter au printemps de nouveau bétail, juments, porcs, moutons charmois, qui garnirent notre pâturage…

Mais je m’aperçois, cher ami, que je te traite en agriculteur. Ma fonction m’absorbe et je la laisse faire ; car c’est une des plus larges et des plus variées qui puissent occuper l’esprit d’un homme. Elle est loin cependant de me rendre insensible aux questions générales qui nous intéressent tous, et le spectacle de ces dernières années m’a troublé bien souvent au milieu de mes travaux. Mais dans nos plus grandes colères et dans nos plus vifs chagrins, l’idée que nous travaillions, autant qu’il était en nous, à la solution du problème nous a soutenus et consolés.

Notre mariage eut lieu en novembre, et nous passâmes l’hiver au Fougeré. Maman, qui depuis la perte de leur fortune, a plus d’influence sur son mari, maintenait notre intérieur dans une paix profonde. Clotilde, toujours bonne, mais un peu triste, brodait une layette à tout ha-