Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/47

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ment sentir dans quelle situation je me laissais tomber, je résolus de savoir sur-le-champ si Blanche était une héritière et si je pouvais être soupçonné par conséquent de jouer près d’elle le rôle d’un quêteur de dot. À cet effet, je m’arrangeai pour entrer en conversation, au café des bains, avec un vieux juge fort médisant, qui porte dans sa cravate blanche les secrets de plusieurs départements. Probablement il vit ce que je voulais, et mit de la bonne volonté à me satisfaire. M. Plichon, me dit-il, est un ancien notaire de Poitiers, comme vous le savez, qui a ramassé de fort belles rentes, d’autant plus que sa fortune est toute en espèces, excepté un domaine, assez médiocre, qu’il possède du côté de Vivonne ou de Lusignan. Il a trois enfants ; mais on dit, que l’aînée ne se mariera pas. S’il en était ainsi, eh ! eh ! ce serait bien un demi-million à partager quelque jour entre le fils et la plus jeune des demoiselles.

250, 000 francs, un pareil chiffre si lointain, à l’horizon, et très-douteux, puisque mademoiselle Édith peut se marier, ça ne t’éblouira pas ; mais ça passe ici pour une grande fortune et ce n’est point d’ailleurs au million évanoui de mon héritage qu’il doit être comparé, mais à ces 30, 000 fr. non complets que je possède. Désormais, je devenais vis-à-vis de Blanche, non plus un jeune homme épris d’une charmante fille, mais un ignoble mendiant. Mon parti fut pris. Je préparai mon départ et allai retenir ma place à la diligence, qui part à cinq heures tous les matins. Seulement, cette fois je ne voulais pas quitter Blanche sans lui dire adieu ; je ne voulais pas être à la fois brutal et grossier ; je ne voulais pas