Aller au contenu

Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’argent et, de l’avis de tout le monde, il était fait pour devenir un jour gros commerçant.

Allons, Bruckner, un de plus ! dit maître Chazelles, en versant à ses hôtes le joli vin rouge de sa vigne, qui pétillait dans les verres. Ça vaut mieux que votre bière d’Allemagne.

— La pière d’Allemagne ! maître Chazelles, il n’en faut pas tire de mal ; je ne tis pas que le vin il ne me blaise pas plusse ; mais ça n’empêche bas que la pière d’Allemagne, c’est ce qu’il y a de mieux.

— Parbleu ! dit Louis Brésy, comme l’Allemagne, comme les Allemands, comme tout ce qui est Deutsch et Teufel, n’est-ce pas, Bruckner ?

— Fous atez l’air de rire ; c’est pas moins vrai.

— Pourtant, dit maître Chazelles, faut croire que la France vaut mieux pour vous, puisque vous avez quitté votre Allemagne pour y venir.

— Ça ne broufe rien, dit Bruckner, les Allemands, ils vont où ils troufent leur profit d’aller ; mais il n’y a rien comme l’Allemagne.

Les autres alors se mirent à rire, et à le gouailler sur les profits qu’il faisait, sur la maigreur de sa bourse quand il était arrivé, et citèrent d’autres Allemands, qui ne manquaient pas dans le pays, et qui la plupart, venus en guenilles, portaient maintenant de bon drap.

— Allons, allons ! Bruckner… ajouta maître Chazelles, avouez que votre Allemagne est un pays de meurt-de-faim, comme il y paraît à la grande quantité de ses habitants qui la quittent pour aller chercher fortune ailleurs. Ce n’est pas pour vous en faire reproche ; mais c’est pourtant drôle que vous ayez l’air de nous mépriser quand vous vous trouvez bien de vivre chez nous.

Cette parole irrita l’Allemand, qui devint tout rouge et frappa sur la table en disant :

— Est-ce que ce pays n’est pas le notre ?… La France nous l’a bris ; mais ça ne se passera pas toujours comme ça ; il faudra qu’elle nous le rende, et d’autres avec.

— Est-ce qu’il est fou ? s’écria Chazelles.