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Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/35

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naud, ni l’Allemand, ni aucun autre, dût son père la battre et la tuer. Au fond, elle savait bien que les choses n’iraient pas jusque-là ; car maitre Chazelles n’était point un brutal, et même il était tendre pour ses enfants, à part cette idée de vouloir un peu trop les marier à sa guise. Mais Marie avait la tête montée par l’amour et le chagrin, et se trouvait surement la plus malheureuse des filles de toute la Lorraine. Ainsi toute pleurante, lorsqu’elle fut pour prendre à gauche, au bout du sentier, le chemin du pâturage, elle ne se soucia point d’aller se montrer en tel état, d’autant que sa mère pouvait n’être pas seule, et elle préféra suivre, à l’opposé, un chemin bordé de buissons où elle pensait être seule et mieux cachée. Ou peut-être est-ce le génie qui, dit-on, souffle tant de choses aux amoureux, qui lui chuchota cela à l’oreille ; toujours est-il qu’elle n’alla pas loin, dans ce chemin aboutissant à la route, sans apercevoir Louis Brésy, qui marchait d’un pas lent et la tête baissée, comme un homme abattu de tristesse. En le voyant ainsi, le cœur de Marie lui sauta dans la poitrine ; d’an mouvement irrésistible, elle se prit à courir, puis s’arrêta. Mais, comme Louis allait disparaitre au tournant, plus vite qu’elle n’eut le temps d’y songer, ce cri lui échappa : Louis !

Sa voix, à demi-étouffée par une honte de jeune fille, n’avait pas retenti bien haut ; Louis l’entendit pourtant, et s’arrêta brusquement en tournant la tête. Elle, toute saisie et toute honteuse, se taisait. Il l’aperçut enfin, sauta le fossé qui séparait le champ de la route, et faisant pour passer un trou dans la haie, l’eut bientôt rejointe. Maintenant il avait la mine plus ravie qu’il ne l’avait eue triste auparavant, tant l’amour fait ce qu’il veut des hommes, et il lui dit :

— Ô ! Marie, que vous êtes bonne ! Je m’en allais le cœur trop serré de n’avoir pu seulement vous dire adieu ! Mais c’est-il possible que je ne doive plus vous re-