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Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/93

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mit à examiner un à un les pavés de la chambre. Chazelles vit alors que tout était perdu. À force d’allées et venues, le pavé dérangé la veille s’était un peu soulevé, bien qu’il ne fut pourtant pas au milieu de la chambre. L’espion l’aperçut, l’enleva, fouilla la terre et poussa un cri de joie en tirant le sac de pièces d’or. Il y avait là 3, 500 fr. : les économies de deux ans durement gagnées, l’acquit presqu’entier de la dette exigible dans quelques mois. Le vieux paysan fléchit sur ses jambes, et son chagrin fat si grand que la prudence lui manqua.

— Ah ! misérable ! dit-il à Bruckner, c’est pour ça que tu venais t’asseoir à ma table et boire mon vin, en buvant à ma santé ! Si tu avais du cœur, tu te ferais horreur à toi-même.

Mais l’homme aux cheveux de filasse et au teint rose ne fit que rire de ces paroles.

— Eh ! eh ! maitre Chazelles, que toulez tous, chacun son intérêt. Je fous afais pien tit que ce bays il était à nous. Fous foyez, c’est notre pien et nous le brenons. Et puis, c’est-il bas fotre empereur qui a déclaré la guerre ?

Oh ! n’était-ce pas trop rade ! Avoir tant sué, tant peiné, aussi bien d’âme que de corps, pour arriver enfin à payer cette dernière somme, l’affranchissement de ce bien, travaillé depuis près de trente années ! Et se voir ainsi dépouillé par des brigands ! Comment payer maintenant ? Que fera le créancier ! Faudra-il emprunter, hélas ! et payer double intérêt, c’est-à-dire se ruiner, quoi ! Et voir ainsi partir en fumée le bien gagné ! Oh ! malheur ! malheur ! Oh ! maudite l’heure où cette guerre fut déclarée ; maudit l’homme sans cœur et sans tête qui, fort de la faveur du peuple qu’il avait gagnée par de fausses promesses, imagina cette abominable folie ! Ah ! quelle colère le possède, cet homme de travail, cet homme de paix, si cruelle ment trahi dans sa confiance ! Comme il les déteste et les exècre, les criminels qui se jouent à ce point de la vie du peuple et de ses sueurs !…

Il pensait ainsi, le père Chazelles, accroupi dans le coin, où ses jambes tremblantes s’étaient repliées sous loi. Il croyait avoir atteint le comble du malheur !…

Ce n’était pas tout, cependant. Il avait caché son argent, il avait menti à ses maîtres par droit de conquête ; il ne s’é-