tait pas prêté de bonne volonté au pillage, à l’insulte, à la ruine !… aussi voit-il fondre sur lui plusieurs de ces hommes, ivres de son vin, qui le menacent de mort, l’insultent, le frappent. Il est entrainé jusque sur le seuil de sa ferme, où il voit son fis amené de même et son domestique tremblant de terreur.
On veut leur faire trouver d’autre argent ; on les couche en joue. Mais, c’est impossible, il n’y en a pas. La femme est amenée à son tour ; elle pleure et dit comme eux.
— Nous n’avons plus rien !
On les laisse enfin, en les faisant garder par quelques soldats, chargés de tirer sur eux, s’ils veulent s’enfuir, et le pillage de la ferme continue.
— Marie ! Annette ! Pierre ! demande la mère, où sont-ils ? où sont mes enfants ?
— Annette, dit Jérôme, est dans l’écurie à traire les vaches ; ils lui ont demandé du lait. Pierre est parti leur acheter du tabac ; pour Marie, je ne sais pas.
— Ils veulent emmener notre bétail, n’est-ce pas demanda à son tour maitre Chazelles. Ne l’ont-ils pas dit ?
— Oui, bourgeois, ils l’emmèneront demain matin, répond le père Galey, qui savait un peu d’allemand, je l’ai entendu. Et, d’ailleurs, ils font ça partout. Ils emportent tout.
— Tout, répéta Chazelles avec des yeux hagards, oui, tout ; nous n’avons plus rien !
— Laisse-les faire, dit la mère avec énergie. Qu’ils emportent tout, pourvu qu’ils ne touchent pas aux enfants ! Où donc est Marie ! Les petites ne reviennent pas.
Et elle jeta autour d’elle des regards d’angoisses, de ses yeux ardents, rougis par les pleurs.
— Voici Marie, dit Jérôme.
Elle revenait des champs, tenant à deux mains un panier de pommes de terre, que sans doute on lui avait ordonné d’aller chercher, et elle marchait lentement sons ce fardeau, pleine d’abattement et de tristesse, en regardant la cour de la ferme si changée depuis quelques heures, encombrée d’un fourgon, de deux charrettes préparées pour le pillage, et de fusils en faisceaux, outre les soldats prussiens, et le triste groupe de ses parents, maltraités et désolés, sur le seuil.