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Page:Leo - Marie - la Lorraine.djvu/99

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toute la ferme, appelant, cherchant ; mais elle ne vit personne ; aucune voix ne lui répondit. Alors, elle prit le chemin qui conduisait à la Nied, et marcha longtemps, jusqu’à ce qu’enfin, parvenue jusqu’au pont, épuisée de fatigue, et la voix rauque à force d’appeler, n’y voyant plus dans la nuit noire, elle se laissa aller à terre.

Elle se sentait dans la tête comme des ailes de moulin qui la battaient en tournant ; la fièvre la brûlait ; elle pensait comme il ferait bon couchée dans le lit de la rivière, et elle eut bien voulu y aller ; mais, à présent, elle n’avait plus la force de bouger ; puis elle avait peur. De temps en temps, elle appelait les siens, tout bas. La pauvre créature était bien malade.

Quand ce fut jour, un peu de force et de connaissance lui revinrent ; elle se leva, et se remit à chercher.

— Annette ! répétait-elle, Annette !

Mais sa voix rauque s’entendait à peine, et l’on eût dit qu’elle parlait d’un être de l’autre monde. La campagne était déserte ; plusieurs avaient fui ; d’autres se cachaient. Tout à coup, un cri s’éleva, un cri de terreur. Maitresse Chazelles courut de ce côté. C’était un jeune garçon qui faisait paître sa vache sur les bords de la rivière ; il se sauvait d’un air effaré.

— Annette ! lui dit-elle, ma fille ! L’as-tu vue ?

— Là ! dit-il avec horreur, en montrant le bord de la Nied.

Elle avança, et vit Annette couchée, la face dans l’eau. La pauvre femme y entra sans hésiter ; la rivière, heureusement, était basse ; elle prit sa fille dans ses bras.

— Viens ! disait elle, viens, ma pauvre enfant !

À distance, le petit garçon criait de peur. La vache avança le cou, regarda, et se remit à paître. Le soleil venait de se lever, et dorait le feuillage des arbres ; l’eau, qui ruisselait des cheveux d’Annette, riait de lumière. À la vue du visage livide de son enfant, le sens de la réalité revint à la malheureuse. Sa poitrine fit retentir un cri sourd :

— Morte ! dit-elle, morte ! c’est il possible ? Annette !

Elle serra le cadavre contre elle, avec un regard indicible de haine et de douleur : puis, les traits contractés, d’une force incroyable, elle se mit à marcher, emportant le cadavre dans ses bras,