Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tances tout autres. Les autres enfants n’avaient jamais eu besoin d’elle que très secondairement ; ils avaient leurs mères, dont ils exigeaient les soins, repoussant ceux de l’étrangère. Elle s’était bien toujours sentie attirée vers eux ; mais n’avait guère eu l’occasion de vaincre la crainte, ou la timidité, qu’elle leur inspirait. Ceux-ci, au contraire, si froissés et si malheureux, après une courte lutte de leur sauvagerie, l’avaient adoptée pour mère. Ils ne se trouvaient bien qu’à son ombre ou dans ses bras. C’était à elle que, dans leurs contrariétés et dans leurs souffrances, ils venaient demander aide et protection ; c’est vers elle que, dans la surprise ou dans la joie, se tournaient leurs yeux naïfs. Elle leur était devenue nécessaire ! Ils l’aimaient !

Jamais sœur Sainte-Rose n’avait rêvé pareille joie. Elle en avait l’âme remplie de soleil, toute transfigurée, et, par un secret instinct, devant ses compagnes, elle baissait les yeux, afin de voiler les rayons qui s’en échappaient. Tout sentiment a ses pudeurs et son mystère, et puis, dans ce milieu hostile aux amours humains, la religieuse, sans vouloir se l’avouer, sentait la nécessité de la prudence.

Ces jours-là eurent des beautés inaccoutumées :

Au jardin, où le plus souvent sœur Sainte-Rose se tenait avec les enfants, le soleil jetait sur les pampres rougis de splendides lueurs ; les feuillages inclinés, qu’on eût dit pensifs avaient une grâce infinie ; les chants des oiseaux ravissaient l’oreille, et le parfum âpre et mélancolique des chrysanthèmes se mêlait à la suave odeur des roses quarantaines, qui fleurissaient pour