Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/57

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Paris, et ce fut seulement en posant le pied sur l’asphalte de la gare qu’un serrement de cœur saisit de nouveau la déclassée. Était-elle abandonnée dans cette ville immense ? Allait-elle retrouver les siens ?

Ils étaient là. Annette Darry avait, elle aussi, du cœur, et son mari, brave homme, avait accepté la fugitive, à condition toutefois que sa rupture de ban serait soigneusement cachée à leur entourage. Une chambre avait été louée pour Céline dans la maison même qu’habitait sa sœur, et elle reçut, avec ses enfants adoptifs, l’hospitalité cordiale du petit ménage.

Six mois s’étaient passés. Afin de subvenir à l’insuffisance de son trop petit avoir, Céline avait appris l’état de fleuriste, qui était celui de sa sœur, et déjà son travail commençait à lui rapporter l’aisance. Les enfants, frais et propres comme des babies anglais, avaient fort grandi : Joséphine commençait à bien lire et à coudre un peu ; Jean courait partout, comme un homme, et faisait beaucoup de bruit.

En le voyant si rose et blanc, si joufflu, si large d’épaules, en entendant sa voix, d’une remarquable sonorité, aucun des habitants de la petite ville de M…… n’eut reconnu l’enfant chétif, presque rachitique, recueilli par les deux sœurs grises, sur le grand chemin. Il n’était pas absolument très sage, il faut bien le dire ! il faisait plus d’une sottise ; mais il avait en ces moments-là précisément, une manière de regarder sa maman et de l’embrasser, qui faisait trouver le méfait plus charmant qu’une bonne action. On en raffolait dans le voisinage, tout en avouant que sa mère le gâtait un peu. Car nul ne doutait que madame Céline Darry, une veuve de