Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/58

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province, ne fût la mère de ces deux enfants.

Les veuves dont nul n’a connu le mari, inspirent toujours des soupçons ; mais il n’en naissait point près de celle-ci, d’un air si pudique, et tout ensemble si candide et si réservée. On ne la trouvait que trop imposante, malgré sa douceur, et plus d’un n’osait l’aborder, qui pourtant s’en mourait d’envie. Elle consacrait tous les jours une heure à promener ses enfants dans le square voisin. On admirait sa grâce et son intelligence maternelle, et l’on se disait tout bas que si elle ne jetait ainsi les yeux ni à droite, ni à gauche, ni en dessous, et se montrait si dépourvue de coquetterie, si uniquement attachée à ses enfants, c’est qu’elle n’était pas consolée de la perte de son mari. D’autres pourtant la trouvaient bien jeune, et parfois embellie d’un trop frais sourire, pour admettre qu’elle renfermât en son cœur un grand chagrin.

Et ceux-ci avaient raison. Dans ce milieu nouveau, occupée des enfants qui grandissaient près d’elle, Céline, la sœur Sainte-Rose d’autrefois, s’épanouissait comme une fleur transportée de l’ombre à la lumière. Au sein d’une famille qui l’aimait et la respectait, peu à peu ses inquiétudes religieuses s’étaient apaisées, et elle s’était livrée tout entière à cet amour, le plus beau des amours humains, qui l’avait arrachée aux illusions de l’amour mystique.

Sa croissance intellectuelle et morale, arrêtée par la vie monastique, reprenait son cours, avec les énergies de la vingt-sixième année.

— Pour instruire ses enfants, elle voulut savoir ; elle lut, écouta ; ses préjugés un