Page:Leo - Soeur Sainte-Rose.djvu/8

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roués, sortaient d’une poitrine qu’on eût dit fêlée. Quelques cuillerées de bon lait l’eussent tant rafraichi !

S’il n’y en avait pas, du lait, dans le couvent, il y en avait dans la ville, tout près même, chez des voisins. Malheureusement, à cette heure, la règle interdisait de sortir…

Si l’on demandait à la supérieure !… Ce serait bien. Puis, sûrement elle refuserait… les règlements ne s’enfreignent pas pour si peu. L’homme n’est-il pas né pour la souffrance ? soit ; mais les enfants…

Il avait un cri qui déchirait l’âme, et il semblait dire avec les yeux en pleurs : Je suis si petit, si faible ! j’ai tant besoin de secours ! Vous le voyez, et vous me laissez mourir !

Sœur Sainte-Rose avait envie de pleurer. Elle s’aperçut que les petits pieds de l’enfant étaient froids et les réchauffa ; il en fut apaisé pour un instant ; mais quand elle essaya de nouveau de lui faire boire un peu de bouillon, il recommença de crier et de détourner la tête. Aux regards qu’il jetait autour de lui, on voyait qu’il cherchait sa mère.

Un désir ardent présente toujours à l’esprit l’image des biens désirés ; ainsi sœur Sainte-Rose avait-elle sous les yeux le buffet des voisins et les bienheureux pots de lait qui s’y trouvaient. Que n’eût-elle donné pour les avoir ! Elle rencontra l’œil noir de l’enfant, et ce regard exprimait tant de désolation et tant d’infortune, qu’elle n’y tint plus ; au risque même d’un péché, après avoir écarté doucement