Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/105

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j’étais riche, ma foi ! je ne jetterais point mon argent dans la rivière ; mais de savoir m’en passer, ne vaux-je pas mieux ?

Un son argentin avait déjà frappé l’air, et bientôt les cloches de Chavagny sonnèrent à toute volée.

— Ah ! dit la Touron, le mariage est fait ; un mariage qui ne ressemble guère à celui de mam’zelle Aurélie : des gens qui n’ont que leurs bras, Jeannette Vanneau, des Tubleries, avec Louis Barbet. Hé ! mam’zelle, à propos des Tubleries, savez-vous pas ? la mère à Gène Bernuchon, vot’ amie, elle est comme morte depuis ce matin.

— Morte ! s’écrièrent ensemble Michel et Lucie.

— Non, pas tout à fait. M, Jaccarty a dit qu’elle était en étargie. Elle ne bouge ni n’entend. Bernuchon a-t-envoyé chercher à Poitiers le grand médecin, car c’est un homme, Seigneur ! qui n’épargne rien pour sa femme :

— Pauvre homme ! dit Lucie, dont la figure était devenue toute pâle de tristesse ; pauvre Gène ! Il faut que j’aille les voir.

Et aussitôt elle s’éloigna d’un pas empressé.

— Est-elle bonne, dit Michel qui la suivait des yeux.

— Oui, repartit la Touronne, c’est une brave demoiselle ; dommage qu’elle ne soit pas riche comme sa cousine.

— Elle peut bien se passer d’être aussi riche, puisqu’elle est cent fois mieux.

— Mieux que Mlle Aurélie ! mieux ! avec sa figure blanche et sa robe de deux sous ! Par ma foi ! mon gars, faut que tu sois rudement toqué ! Faut même que tu sois toqué d’elle, et tu devrais la demander en mariage. Puisque tu ne veux pas des filles riches, c’est peut-être une demoiselle qu’il te faut.

— Vous dites des bêtises, Touronne, répliqua tranquillement Michel, et il se remit à l’ouvrage sans plus causer.