Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/112

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comprit soudainement que la terre est plus vaste et la vie plus haute que l’homme ne les a faites.

Elle descendit la pente du ravin, toute sérieuse, ne sentant plus le besoin de pleurer. En passant près de la fontaine, elle s’agenouilla, puisa de l’eau dans sa main et s’en rafraîchit le visage, tout en admirant les ficaires à fleurs d’or qui luisaient au bord dans les herbes, et se réfléchissaient dans l’eau. Les paysans donnent à ces fleurs le nom de clairs-bassins, parce qu’elles se plaisent dans les eaux pures.

C’est à côté d’un bois, au sommet du coteau, que se trouve le hameau des Tubleries. En entrant dans la chambre de la Bernuchon, Lucie la trouva remplie de femmes qui s’entretenaient à demi-voix, la quenouille au côté ou le tricot en main. Près du lit, dont les rideaux étaient fermés, Gène se tenait debout, immobile. À la vue de Lucie, elle se retourna, fit un grand cri et se jeta en sanglotant dans les bras de son amie.

Mlle Bertin s’approcha du lit, et toutes les femmes se groupèrent autour d’elle, comme si elles eussent espéré que la demoiselle pût trouver quelque remède. Une des qualités du paysan est le sentiment de son ignorance, d’où vient la naïveté de ses espoirs. Ayant entendu parler de ce qui se faisait en pareil cas, Lucie plaça un miroir devant la face livide de la moribonde, et fit remarquer un léger nuage qui ternissait la surface polie. Alors elle s’efforça de consoler Gène en lui répétant que cet état n’était pas mortel, et qui sait, peut-être était-ce une crise favorable qui terminerait la longue maladie de sa mère ?

Gène accueillait avidement les paroles de Lucie. — Puis, dit-elle, nous allons voir le grand médecin.

Ce grand médecin était le praticien le plus nouvellement établi dans la ville de Poitiers, où il faisait des mi-