Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remarquable à des aspirations généreuses, à une délicatesse de sentiments que jusqu’ici Lucie n’avait guère trouvée qu’en elle-même. Quant à ce genre particulier qu’on prend à la ville, et qui certainement eût dû faire pencher la balance en faveur d’Émile Bourdon, ce n’était, aux yeux de la jeune campagnarde, qu’une anomalie, bien plus frappante pour elle que le ton et le langage de Michel.

À la collation, sur une question fort simple qu’elle fit à Michel, il se troubla et rougit. Mais qu’a-t-il donc ? se demanda-t-elle encore. Et elle chercha de nouveau. Depuis les confidences du jeune paysan, Mlle Bertin se sentait vivement intéressée par ce caractère mêlé de raison, de passion et de sensibilité qui fait les natures complètes, en rapport avec toutes choses, et vibrantes à tout contact. Elle se penchait donc sur cette âme, curieuse de la contempler jusqu’au fond. Et quelle mystérieuse profondeur, ni celle des gouffres écumants, ni celle des grottes insondables, ni celle des claires fontaines où nagent les salamandres, ni celle de l’Océan, quelle autre aussi fortement que l’âme humaine peut nous retenir attachés sur ses bords !

Après la collation de midi, au lieu de suivre Cadet et François dans la grange, Michel, comme la veille, prit une bêche et se rendit au jardin.

Lucie n’y alla pas. Elle avait beaucoup à faire dans la maison et Clarisse avait la fièvre. Mais, quand ce fut près de deux heures, et qu’on dut bientôt se remettre au labour, elle remplit un verre de vin pour le porter à Michel.

Il avait achevé le carré commencé la veille, et en attaquait un second. C’était de bel ouvrage, promptement fait ; aussi l’ardent travailleur avait-il les joues éclatantes et le front humide. En voyant arriver Lucie, il devint