Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/139

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rougit, fit un geste de colère ou de chagrin, et baissant les yeux sur sa bêche :

— Rien, mam’zelle, dit-il un peu rudement.

— Non, reprit Mlle Bertin, cela ne peut être ainsi.

— Pardieu, non ! reprit-il d’une voix altérée, une belle demoiselle comme vous ne peut pas recevoir un service pour rien d’un paysan comme moi. Faites excuse, mam’zelle, fallait que je sois imbécile.

— Michel, ne parlez pas ainsi, vous me faites de la peine, et je ne voulais pas vous en faire, moi, bien certainement.

— Oh ! alors ! dit Michel ; mais sa voix s’éteignit et deux larmes coulèrent, qu’il se hâta d’écraser sous sa main.

— En vérité, je ne vous comprends pas, s’écria Lucie, n’est-ce pas l’usage pour tout le monde, et pour vous aussi, Michel, que le travail reçoive un salaire ?

— Oui, mam’zelle Lucie, mais pas un travail comme celui-là, que je faisais de si bon cœur pour vous obliger. Ça n’est pas ma journée que je vous donne, c’est mon repos et mon plaisir. Et j’en étais bien content, allez ! Mais v’là justement ce qui est bête, n’est-ce pas, mam’zelle Lucie, d’avoir voulu vous donner quelque chose, comme si nous étions amis ?

— C’est qu’en effet nous l’étions autrefois, dit-elle en souriant.

— Oui ! oui ! Bon quand on était petit, c’était pas de conséquence ; mais pour quant à présent, mam’zelle Lucie, je vous le dis, je sens que j’ai été ben bête et que j’ai eu grand tort.

— Non, Michel, non, vous n’avez pas eu tort, dit-elle en lui tendant la main, car à présent, comme autrefois, vous êtes parfaitement digne d’être mon ami.

— Merci ! dit Michel vivement ému ; mais, tenez,