Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/145

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le luxe ou l’adorait, suivant ceux qui le lui présentaient. Elle avait en ce genre accepté La supériorité des Bourdon ; mais l’élégance d’un parvenu, les atours de Chérie Perronneau, lui causaient une irritation extrême. Il semblait que ce fût du bien qu’on lui eût volé ; et vraiment c’était bien cela, puisque dans sa pensée le luxe était l’apanage nécessaire du rang. Elle souffrait tant d’être déshéritée, qu’elle ne pouvait pardonner à son frère d’être plus heureux. Une sottise de Gustave rendit cette jalousie encore plus amère. À propos de son lorgnon, d’un air fat et mystérieux, il dit : On me l’a donné ! Ainsi, lui, sauvé par son titre d’homme, il buvait largement, trop largement peut-être, à la coupe de la vie, puis il venait sans pitié parler à ces recluses de ses plaisirs et de sa liberté, ou plutôt de cet inconnu sans nom qu’elles remplissaient de rêves indéfinis, et dont elles saisissaient çà et là quelques révélations au passage, un chant, un parfum, un bijou, lambeaux pailletés qui faisaient supposer l’idole éclatante.

On déjeuna. Il y avait sur la table le pâté de Pâques traditionnel, cuit au four du village, et tout doré avec sa cheminée festonnée. C’était chez les Bertin un grand extra ; mais on ne faisait cela qu’une fois l’an.

Au moment d’aller à la messe, Clarisse fut prise d’une suffocation et d’un tremblement nerveux qui l’obligèrent de se mettre au lit. Sa sœur voulut rester près d’elle, mais Mme Bertin s’y opposa. C’était à elle de soigner Clarisse, et puisque Lucie avait mis sa robe rose, il fallait bien qu’elle sortît.

— Mais, dit Gustave, est-ce que je vais à la messe aussi, moi ?

— Un jour de Pâques ! dit sa mère, je le pense bien.

— Allons, fit-il d’un air bon prince, en prenant sa canne, donne-moi le bras, petite sœur. Quand ils furent dans la cour : Je n’y tiens pas du tout, au moins, ajouta-t-il.