Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que vous avez témoigné le désir que le chemin passât devant la ferme des Èves. Regardez là-bas, derrière nous, du bois des Berjottes à la ferme, n’est-ce pas un bel alignement ? Grâce à la brande, et, plus haut, grâce aux facilités que nous accorde M. Bourdon, nous avons pu tailler en plein drap.

— C’est très-bien, dit M. Gavel, et regardant à sa montre, il poursuivit : Midi et demi ! Nous trouverons le conseil municipal au rendez-vous. Seront-ils d’accord ?

— Je sais, monsieur l’ingénieur, que M. Bourdon a fait l’impossible pour qu’ils entendent raison. Mais il y a toujours le vieux Pernet, dit Boit-sans-soif, qui demande le tracé par la Baguenaudière. Il n’est pas difficile, parbleu, ça longerait toute sa propriété. Mais, quoique ce soit le plus court, s’il n’y a que lui…

Nos voyageurs avaient atteint les limites de la brande, sous le mamelon, et le chemin commençait à s’élever. Il était bordé de chaque côté de fossés pleins d’une eau jaunâtre, avec de hauts talus plantés d’ajoncs, où quelques fleurs d’or, échappées à l’hiver, brillaient encore. Ici, partout, prés, champs et pâturages attestaient la présence et les soins de l’homme. Des ormeaux et des chênes qui puisent une forte séve dans cette terre noirâtre s’élèvent superbes du milieu des haies, divisant la campagne en grands carrés inégaux. À peine les gelées printanières avaient cessé d’étreindre le sol, que déjà la verdure avait tout envahi. Déjà les pâquerettes épanouies blanchissaient les prés, et l’épine blanche, ou prunier sauvage, étalait sa neige sur ses rameaux bruns. Déjà les blés d’hiver couvraient à demi les sillons, tandis que dans les guérets, nus encore, le laboureur, courbé sur la charrue, excitait ses bœufs à voix haute, en les appelant par leurs noms.

À mesure que les deux voyageurs gravissaient la colline, des sons épars pleins d’harmonie arrivaient jusqu’à