Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/165

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— Vous êtes trop poli pour moi, et pas assez pour les autres, répliqua Lucie froidement.

Le pauvre garçon rougit, baissa la tête et ne dit plus mot. Comme l’autre fois, Mlle Bertin lui aida à ensemencer, mais instinctivement elle se tint à distance. Ils n’échangèrent de paroles que ce qui était nécessaire, et à neuf heures Lucie, rappelée par ses occupations de ménagère, allait quitter le jardin quand Michel la pria d’écouter quelque chose qu’il avait à lui dire.

— Parlez, répondit-elle en s’accoudant sur le vieux cadran sans aiguille qui faisait le coin d’une plate-bande, tandis que Michel, appuyant ses deux mains et son front sur le manche du râteau, reprit en fixant les yeux à terre :

— Il me semblait d’abord, mam’zelle Lucie, que je ne devais pas vous parler de ça, à vous, et je peux ben vous dire que ça me coûte plus que d’avoir à faire le plus rude ouvrage. Mais, après y avoir beaucoup pensé, je n’ai vu personne autre que vous à qui confier ça. Pour quant à n’en point parler, ça serait une mauvaise action.

— C’est donc quelque chose de bien grave ? dit Lucie étonnée.

— Oui, mam’zelle Lucie. Alors il hésita, son front rougit, enfin, il dit avec effort : — Le mariage de vot’ cousine est arrêté, n’est-ce pas ?

— Oui, dit Lucie.

— Il ne doit pas se faire, mam’zelle Lucie, faut l’empêcher, parce que, voyez-vous, M. Gavel est un mauvais homme, un grand coquin.

— En vérité ! comment le savez-vous ? demanda la jeune fille, qui devina tout de suite qu’il s’agissait du secret de Lisa ?

— Voici comment, mam’zelle Lucie. D’abord, depuis un temps, je me méfiais de quelque chose, voyant Lisa tout affolée de ce Gavel. Hier soir, en revenant de cette