Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/20

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cette jolie créature, elles étaient d’une naïveté intraduisible. Elle semblait aussi peu recueillie dans son individualité qu’une fleur ébahie sous un ciel de printemps, et toutes ses facultés nouvellement écloses s’absorbaient dans la contemplation. Peut-être en était-il ainsi à ce moment surtout. Immobile avec sa cape grise sur les épaules, sa quenouille au côté, ses chiens à ses pieds, elle tenait les yeux fixement attachés sur le bel ingénieur, tandis que Grisou jouait par terre avec le fuseau déroulé.

Un léger mouvement des rênes avait arrêté le docile Gemma.

— Bonjour, Lisa, dit Gavel.

— Bonjour, Lisa, répéta Berthoud.

— Bonjour, monsieur Fernand, dit-elle d’une voix douce et vibrante.

Et, bien que la voiture s’éloignât, elle demeura fixée à cette place, regardant toujours.

— Ces paysans sont d’une familiarité… observa Berthoud.

— Pourquoi ? demanda Gavel. Ah ! parce qu’elle m’a nommé par mon nom de baptême. C’est l’usage à la campagne. Et puis cette petite me connaît depuis longtemps. Ne savez-vous pas que l’automne dernier, en horreur de l’auberge de Chavagny, j’avais accoutumé de faire halte à la ferme des Èves ? Puis je l’ai retrouvée cet hiver chez M. Bourdon, où elle remplaçait une femme de chambre malade.

— Oh ! dit Berthoud, maintenant M. l’ingénieur n’a plus à s’inquiéter d’une auberge, et je pense bien que ce n’est pas pour le chemin de grande communication que M. l’ingénieur a fait de longues et fréquentes visites à Chavagny cet hiver.

M. Gavel sourit sans répondre, tandis que Berthoud riait à gorge déployée de sa plaisanterie. Un moment