Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/223

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s’endormit. Lucie le prit sur ses genoux, de peur qu’il n’eût froid, et le couvrit d’une partie de sa robe, puis, un pied posé sur le treillage du bosquet, elle balançait l’enfant doucement. Une émotion profonde l’envahit peu à peu, jusqu’au point que des larmes tremblèrent à ses paupières, et, au milieu de ce trouble, elle pensait à Michel avec une si poignante douceur, qu’elle en devint inquiète ; mais elle se dit : Oh ! non ! cela ne peut pas aller trop loin ! et volontairement elle se replongea dans ce rêve. La veille, au matin, elle avait trouvé plantée dans l’allée une branche de lilas fraîchement cueillie. Qui pouvait avoir fait cela ? Elle n’en savait rien ; mais afin que personne autre qu’elle-même ne fît cette question, elle avait enlevé la branche et l’avait mise dans l’eau. La trace de souliers ferrés près du banc, les feuillages froissés, comme si quelqu’un se fût appuyé longtemps à cette place, rien de tout cela ne lui avait échappé ; elle devinait qu’au sortir du bal Michel avait passé là une partie de la nuit. Pauvre garçon ! quelle folie ! Cependant, il n’y avait là sans doute rien qui lui déplût, puisque sa pensée y revenait sans cesse.

Au plus fort de sa rêverie, elle eut peine à retenir un cri, en entendant s’agiter derrière le bosquet le feuillage de la haie. Elle rougit, et son cœur se mit à battre plus fort ; mais en voyant Gène apparaître, elle sembla rassurée. Gène cependant était si inquiète et si sérieuse qu’au second coup d’œil, Lucie demanda : Mais qu’as-tu donc ?

— Je vas vous le dire bien vite, et puis nous courrons… Mais qu’allons-nous faire de ce petit enfant ?

— C’est donc une affaire bien pressée, ma bonne Gène ?

— Oui ! oui ! c’est pressé, mam’zelle Lucie. Il nous faut faire sauver Michel, Cadet et Jean, que les gendarmes sont venus prendre.