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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/222

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— Grand Dieu ! qu’allons-nous faire de cet enfant ? s’écria Mme Bertin quand elle eut appris la rencontre de la Mourillon. Ton bon cœur, ma fille, te fait faire des folies.

— Voilà un petit drôle qui nous régalera d’agréable musique ! ajouta Clarisse.

Lucie prit son ouvrage, un vieux coussin, une tartine beurrée, et s’en alla au fond du jardin avec le petit Jean.

Là, tout en travaillant, elle se mit à causer avec l’enfant comme une fauvette avec ses petits, d’une voix pleine de roucoulements et de caresses, le regardant, le baisant, le soignant sans dégoût, et l’amusant si bien que Petit-Jean, peu accoutumé à tant de prévenances, et tout content, se mil à gazouiller aussi.

Il faisait un de ces jours du printemps chauds et humides, où l’on ne sait quelle rosée pénètre aussi le cœur. Dans la plate-bande, en face de la jeune fille, un pêcher tout rose, aux fleurs épanouies, se balançait mollement sous un vent léger, en promenant son ombre sur de naïves pervenches étalées à ses pieds. Une jacinthe blanche, récemment ouverte, exhalait son parfum. Au-dessus de la haie, blanche d’aubépine, un ciel de vapeurs roses et de bleues profondeurs ; puis, le petit enfant qui souriait !… Le cœur de la jeune fille se mit à battre, vite ! vite ! Elle se disait : oh ! que la vie semble belle parfois ! et une émotion pleine de charme, de hâte et d’attente l’agitait comme s’il se fût agi de quelqu’un ou de quelque chose au-devant desquels on eût dû courir. Mais bientôt lui revinrent à l’esprit les malheurs d’autrui, les misères de sa famille, et de tristes réalités gourmandèrent ses joies rêveuses.

Cependant, au bourdonnement des mouches qui volaient autour d’eux, aux piaillements d’un pinson sur un poirier voisin, après avoir mangé sa tartine, Petit-Jean