Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/267

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que je ne saurai comment lui répondre, quand même je saurai bien qu’en penser.

Mam’zelle Lucie, vous dirai-je ce qui me console un peu d’être ignorant ! C’est que ceux qui en savent le plus ne sont pas les meilleurs. Si le savoir n’est affaire que de curiosité, et qu’on ne vaille pas mieux après qu’avant, on peut prendre son parti de n’en avoir point, est-ce pas ?

— Non, Michel ; avec votre intelligence et votre bonne volonté, vous trouveriez dans la science plus que d’autres n’y savent trouver.

— Oh ! vous avez si bonne opinion de moi ? Pourquoi donc ne puis-je étudier tout de suite ? Mon Dieu ! jamais je n’en ai eu tant l’envie qu’à présent, quoique ça m’ait toujours assez tourmenté. Mais écoutez, mam’zelle Lucie, j’ai souvent fait causer Sylvestre de ce qu’il fait là-bas, et vrai, on dirait que c’est à peu près comme dans nos écoles, où le plus habile est tout simplement celui qui a le plus de noms dans la tête. En deux mots, le comment des choses, ils savent le dire ; mais le pourquoi, jamais. Et pour tout ce qui intéresse le plus les hommes d’à présent, il paraît que ça ne s’apprend point au collége. L’an dernier, par exemple, quand j’ai tiré à la conscription avec Sylvestre, et que ce pauvre gars de Bruchon est parti, quoique malade, eh bien, je faisais donc à Sylvestre cent questions sur le pourquoi de la guerre, et comment tout ça se pouvait arranger avec la justice et le droit de chacun… Bah ! tout ça n’est pas de l’instruction, à ce qu’il dit. L’instruction ne s’occupe que de ce qui est passé. C’est en avant pourtant que nous allons, est-ce pas, mam’zelle Lucie ?

— Michel, je vous le répète, quel dommage que vous ne puissiez pas étudier ! Vous avez beau dire, il y a dans le comment bien des connaissances précieuses pour tous les hommes, et qui le seraient pour vous. Si vous saviez