Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/29

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voix pour la renvoyer, quand Mourillon entra, suivi de trois grands garçons, dont l’un était son fils aîné, les deux autres ses domestiques. La Mourillon se tut aussitôt et alla s’asseoir en silence près de la cheminée, et Lisa, regardant craintivement son père, s’empressa de paraître occupée, quoiqu’en réalité son occupation se bornât à regarder et à servir le jeune ingénieur.

— Bonjour not’ maît’ et la compagnie.

Ainsi salua Mourillon en ôtant son bonnet de coton blanc, qu’il remit aussitôt sur sa tête, de même que tous les autres paysans avaient conservé leurs chapeaux, tant ces têtes carrées se ferment soigneusement aux impressions extérieures. Puis Mourillon avec ses trois acolytes s’assit au bout de la table, et, après qu’il eût coupé au pain noir une large tranche, tandis que M. Bourdon leur passait les restes du festin :

— Vous allez donc nous faire un beau chemin, Messieurs ? dit-il.

C’était rentrer en matière à la satisfaction de Pernet, qui s’écria :

— Ben sûr qu’on vous le fera, puisque c’est pour vous qu’il se fait ! Serez-vous content, hein ! père Mourillon, d’en faire là des corvées ?…

— Oui, ben, répondit le fermier, pour après mener rondement au marché nos blés et nos foins.

— Ça fait vot’ compte, à vous, d’éreinter vos bœufs d’abord pour les ménager après, dit Voison. Joli calcul, ma foi !

— Parions que le père Voison a trouvé moyen de récolter sans faire la semaille, interrompit à demi-voix un des domestiques, beau garçon à la mine intelligente. Il adressait cette phrase à cadet Mourillon en se penchant vers lui ; mais il fut entendu de M. Bourdon.

— Très-bien ! mon garçon, s’écria celui-ci. Voison, ce jeune gars entend les choses mille fois mieux que vous.