Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/291

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rompue. Il accourut. En la voyant pleurer, il oublia sa réserve habituelle, et prenant la main de Lucie :

— Qu’avez-vous ? s’écria-t-il. Oh ! chère… chère mam’zelle Lucie, qu’avez-vous ?

Elle hésitait, rougissant et n’osant dire la vérité.

— On a parlé… de nos leçons, dit-elle enfin, et, malgré ce que j’ai pu dire, ma mère ne veut plus…

— Ah ! c’était trop de bonheur ! dit-il en pâlissant. Non, ça ne pouvait durer. Je le savais bien, allez, mam’zelle Lucie.

Deux grosses larmes roulèrent sur ses joues.

— Pauvre Michel ! dit la jeune fille en lui serrant la main.

Il rougit, fit quelques pas dans le bosquet, et s’assit en face d’elle sur un autre banc.

— C’est donc à cause des Bourdon ? demanda-t-il après un silence.

— Oui, répondit faiblement Lucie.

— On pourra se voir tout de même quelquefois, n’est-ce pas ?

— Oh ! sans doute, Michel.

— Je ne demande que ça au monde ! dit-il, mais il me le faut !

À cette parole, Mlle Bertin ne leva sur lui ni un regard sévère, ni des yeux étonnés. Seulement elle voila de son mouchoir un visage couvert du coloris des roses, tandis que son cœur battait vivement ; car elle craignit que Michel n’en dît davantage. Mais il se tut, et un long silence se fit entre eux. C’est qu’ils redoutaient également l’un et l’autre l’aveu qu’une séparation eût dû suivre. Toute leur réserve et toute leur prudence étaient de l’amour : de l’amitié, se disait encore Lucie ; mais son propre cœur se moquait d’elle, et la pauvre rusée savait bien au fond à quoi s’en tenir.