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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/311

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— Oh ! vous pouvez le laisser à Poitiers, allez, mam’zelle Lucie.

— Pourquoi, méchante ?

— Tu as tort, Gène, dit Michel. Cadet est un des plus braves garçons du pays, bon fils, bon camarade, et qui s’entend mieux que pas un autre à manier la charrue. Pour ce qui est du cœur, il en a, et de la justice. Toi qui es une bonne fille, et qui as de l’esprit, tu lui ferais toujours entendre tes volontés. Et puis il ne songe que de toi, et tu le rends malheureux en lui refusant une bonne parole.

— Quant à ces choses, ça ne regarde que moi, répliqua Gène en se penchant sur la rivière, où deux larmes, qui roulaient sur ses joues, allèrent se mêler.

Michel reprit :

— C’est parce que je suis votre ami à tous deux que je t’en ai dit mon avis. Prends-le avec amitié.

Lucie pressa doucement la main de son amie, et détourna la conversation :

— Que vois-je là-bas sur l’eau ?

— C’est des canards sauvages, répondit Michel. Si j’avais un fusil, mam’zelle Lucie, vous pourriez peut-être en voir un de plus près. Tenez ! ils s’enfoncent déjà.

— Aimez-vous la chasse ? demanda-t-elle.

— Je n’en sais rien, répondit-il en souriant. Ça n’est pas mon métier ; j’ai autre chose à faire !

— Gène a bien raison, pensa Lucie, il ne se fourvoie pas, lui. Tandis que les autres croient s’élever en copiant les plaisirs, les habitudes ou les vices des bourgeois, lui, laissant de côté tout cela, ne songe qu’à s’instruire et à s’élever réellement.

Elle tomba dans la rêverie, et, les yeux attachés sur le sillage, elle revit la maison blanche au milieu des prés, avec la vache qui paissait. Elle se vit elle-même dans