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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/328

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comme la prunelle de mes yeux, et je vous le prouverai quelque jour, bientôt peut-être. Mais je vois que vous partagez contre moi les préventions de Mme Bertin. C’est pourtant bien injuste, allez, moi qui ne veux que votre bonheur ! et puis, je vous demande, est-ce raisonnable ? des gens qui se connaissent depuis si longtemps, se bouder comme ça pour un bon avis donné par bonne intention ? Allez, ma mignonne…

— Je ne saurais être juge dans cette affaire, interrompit Lucie, car j’ignore ce dont il est question, ma mère n’ayant pas jugé convenable de me l’apprendre.

— Ah bah ! vraiment ? s’écria Mlle Boc déconcertée, qui regarda Lucie avec doute et avec surprise, mais qui n’osa pourtant continuer.

Il en résulta pour elle un moment d’embarras, dont Lucie peut-être jouissait en elle-même, quand leur attention fut détournée par l’entrée dans l’avenue d’une voiture qui, menée rapidement, fut bientôt près d’elles. Elles se regardèrent comme on fait en présence d’un événement : c’était M. Gavel. Il passa en les saluant. Il avait toujours son air triomphant et dédaigneux. Lucie rendit le salut à peine et d’un air contraint. Mlle Boc fit une révérence accompagnée d’un sourire.

— Enfin ! le pauvre jeune homme ! dit-elle.

Depuis un mois, Lucie n’avait revu Michel qu’à l’église. Là, quelquefois leurs regards s’étaient rencontrés. Une sensation incisive et brûlante pénétrait alors le cœur de la jeune fille, et, baissant le front comme pour mieux prier, elle se repliait sur cette émotion à la fois cruelle et bienheureuse qui lui restait seule à savourer. Michel était malheureux, elle le voyait bien. Son visage était abattu, et son regard… comment exprimer tout ce qu’il contenait d’amour, de reproche et de souffrance ! Elle le voyait toujours la regardant ainsi. Quels amants peuvent avoir