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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/342

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XV


Quand elle fut au milieu du pré de la Françoise, Mlle Bertin aperçut près de la haie de son jardin, au milieu d’un carré de terre défrichée, un travailleur qui bêchait. Avant même d’avoir distingué la taille élancée et robuste, et l’abondante chevelure noire soulevant les ailes du chapeau de paille, Lucie avait reconnu Michel et s’était arrêtée, saisie d’émotion. Cependant il n’y eut dans sa contenance ni hésitation ni embarras. Ses yeux brillèrent, son visage s’enflamma d’une sorte d’enthousiasme, et elle continua de marcher vers lui. Il ne l’entendait pas venir et ne regardait pas de ce côté. Quand il avait recueilli dans le sillon les pommes de terre dorées, il jetait en se redressant un long regard par-dessus la haie, dans le jardin de M. Bertin ; puis il piochait de nouveau, et d’autres blonds tubercules apparaissaient, disposés en rond comme un trésor enfoui.

Elle avançait toujours, ses petits pieds foulant l’herbe sans bruit, mais son ombre, la précédant, s’allongeait vers Michel. Il vit cette ombre, et se retourna ; un cri s’échappa de sa poitrine ; il devint pâle et la regarda sans lui parler.