Aller au contenu

Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du réveil, quand sur notre âme, comme un autre soleil, ne luit pas l’espérance. Jamais encore Lucie n’avait trouvé son existence si aride et si dépouillée. Elle n’avait pas pu espérer le bonheur, y croire même quelques instants, sans secouer à jamais l’engourdissement et la résignation, qu’elle avait cru jusqu’alors être le seul remède à son mal. Elle dut se dire malade, afin de justifier son trouble et l’altération de ses traits. D’ailleurs, elle avait la fièvre. Le corps glacé, le front brûlant, elle sortit par une chaleur caniculaire pour se réchauffer un peu, surtout par besoin d’être seule. Dans l’allée du jardin, l’herbe desséchée craquait sous ses pieds, l’air était immobile, les feuilles béaient au soleil ; on voyait seulement bourdonner quelques mouches dorées, et les scarabées noirs passaient vivement sans bruit. Toute cette puissance et cette splendeur de la terre inspiraient une sourde colère à la jeune fille. Il y a dans l’univers quelque chose qui ment, se disait-elle. Est-ce la nature à l’homme, ou l’homme à la nature ?

Elle s’assit au bord d’une allée transversale, en plein soleil, sur l’herbe, et appuya dans ses mains son front douloureux.

Ce soir, elle avait promis à Michel un entretien au bosquet. Elle avait ainsi levé imprudemment un arrêt, peut-être nécessaire. Peut-être, fatigué de souffrir et découragé, était-il sur le point de renoncer à son fol amour, quand elle avait renouvelé ses espérances. Des espérances ! non, Michel n’en avait pas. Il était trop timide pour cela, trop sincère, d’ailleurs, pour ne les pas montrer s’il les avait eues, et trop consciencieux pour tramer un complot de séduction patiente. Il voulait la voir et causer avec elle, uniquement parce qu’il avait besoin de ce bonheur, parce qu’il aimait Lucie. Michel croyait être seul à connaître son amour et à l’éprouver. Il se croyait encore le