Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/378

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vanteras ta sainte de fille après, si tu veux. Il m’a dit :

— Tout le monde cause dans Chavagny de votre fille et de Michel. Moi, je crois bien qu’il n’y a pas de mal, puisque je l’ai demandée ; mais, la première défense que je lui aurais faite, une fois marié, c’aurait été de toucher tant seulement un mot à ce grand vilain gars. Si elle ne veut pas de moi, c’est parce qu’elle est affolée de lui. — J’ai pensé le battre, je l’ai poursuivi d’injures jusque dans le chemin, et, comme il criait aussi des bêtises, les Touron qui étaient sur leur porte, avec un des Barbet, sont accourus pour savoir ce que c’était, et Touron m’a dit, à moi parlant, entends-tu, ma femme ? il m’a dit : — J’osais pas vous en entretenir, monsieur Bertin, mais faut prendre garde à la jeunesse, voyez-vous. Promenez-vous un peu plus souvent à la brune dans votre jardin.

— C’est une honte ! s’écria Mme Bertin, qu’un père aille ainsi parler avec des gens de rien, dans la rue, sur le compte de sa fille. Tu autorises toi-même les calomnies, et, si elle est perdue de réputation, c’est à toi qu’il faudra s’en prendre. Mais réponds donc, Lucie ! réponds donc à ton père que tu n’as… que tu ne peux rien avoir de commun avec un paysan.

— Je l’aime ! dit-elle en relevant la tête avec résolution, bien qu’elle fût très-pâle et qu’elle fermât à demi les yeux.

M. Bertin se précipita sur Lucie en poussant un cri de rage ; la mère, courant au secours de sa fille, criait : Elle est folle ! Va-t’en, Lucie ! Laisse-la, Fortuné !

— Elle est folle ! répéta Clarisse, en tombant sur une chaise, à demi suffoquée.

— Dis que ça n’est pas vrai ! hurlait M. Bertin en serrant le bras de Lucie ; dis que c’est pour me braver, pour me mettre en colère ! à genoux, là, tout de suite, avoue que ce n’est pas vrai !