Aller au contenu

Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heureux, on pourrait mourir ! Savez-vous ce que j’ai fait depuis tantôt ? J’ai couru me cacher dans les bois pour que personne ne vît sur ma figure ce que vous avez écrit, et, sans pouvoir m’en empêcher, je criais, je riais, je parlais tout seul. J’étais même un peu fou, Lucie, et j’ai pris peur de le devenir tout à fait ; ça m’a rendu plus calme. Alors je n’ai plus tant pensé à mon bonheur comme à cette grande bonté que vous avez de m’aimer, et ça m’a fait pleurer longtemps. Il n’y a que vous au monde pour être comme cela. Et c’est vous qui m’aimez ! Vous avez donc bien vu que j’étais fou d’amour ? Ah ! que j’ai souffert ! Lucie. Je ne voulais pas vous le dire ni le laisser voir, croyant que pour cela vous m’auriez retiré votre amitié. Mais non ! mais non ! vous m’aimez ! Ah dites-le-moi donc, ma Lucie, encore une fois !

— Je vous aime ! oh ! oui, je vous aime ! C’est que vous êtes, cher Michel, le plus sincère et le meilleur des hommes !

— Oui ! peut-être bien, puisque vous m’aimez. Et moi ! et moi ! devinez un peu combien je vous aime, car tant longue soit ma vie, je ne pourrais le dire comme je le sens, ni vous le dire assez. Ô chère Lucie ! jamais ! jamais je n’aurais cru qu’on était au monde pour être si heureux ! Les hommes sont fous de se plaindre ; c’est chez nous bien plus beau que dans le paradis !

Pendant une heure, ils oublièrent d’où ils venaient, où ils allaient, assez heureux pour n’être agités ni de désir ni de crainte, et seuls dans leur pensée, comme ils l’étaient en effet. — Cependant leurs facultés exaltées vinrent à se détendre, et un bruit qu’ils n’auraient pas entendu quelque temps plus tôt, les fît rentrer tout à coup dans la vie commune.

— Il faut que je m’en aille, mon ami, dit Lucie. Peut-être y a-t-il longtemps que nous sommes ici ? Michel,