Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/405

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se levait-elle tous les matins avec de vives douleurs dans la tête ; ses tourments devinrent aussi vifs qu’avait été sa joie.

Assise dans son fauteuil, et tantôt brodant, tantôt redressant avec douleur ses épaules brisées, sa pensée désespérée murmurait en elle : rien ! jamais rien ! pas de joie complète ! pas d’espérance possible !

Lucie n’entrait pas dans ses ennuis ; son rêve était bien ailleurs. Cependant elle aimait comme toute femme les jolies choses, et la robe de soie l’eût ravie en un autre temps. Mais cette robe-là faisait une moue de marquise à la blouse de Michel.

Mme Bertin, aussi bien que Clarisse, était vivement préoccupée, car, enfin, il s’agissait, disait-elle, de l’honneur de la maison.

Elle n’exprimait pas, mais elle laissait voir qu’il s’agissait aussi de l’établissement de ses filles. Certes, quand on les verrait parées selon leur rang et à leur avantage, elles ne pourraient manquer de faire des conquêtes.

À mesure que le grand jour approchait, comme des naufragés en détresse, Mme Bertin et sa fille aînée parcouraient d’un regard éperdu ce qui les entourait, et leur pensée, furetant dans les armoires et dans les coffres, rêvait quelque chose d’oublié qu’on eût pu vendre.

Clarisse pensa bien à l’argenterie ; mais elle n’osa formuler cette idée. Les couverts d’argent, pour ces exilés de la fortune, c’était l’arche sainte de l’orgueil.

Il ne fallait pas songer à vendre de nouvelles broderies, car les deux sœurs travaillaient depuis deux semaines à un mouchoir et à des manches de guipure, qui devaient être leur cadeau de noce à Aurélie.

Clarisse n’avait plus de sirop. Mais elle n’en demandait pas, bien que sa toux fût souvent déchirante.

— Il faut vendre sur pied notre moisson, dit enfin